C'est à l'orée du bois, coincée entre deux arbres immenses au large tronc, que choit la petite bâtisse, ratatinée par les branches qui reposent sur son toit et complètement délabrée par le temps. La mousse et le lierre y ont élu domicile, rongeant le vieux bois fendu et solidifiant les fondations par leur seule présence. La bicoque est légèrement sur-élevée, mais bancale, comme si l'un de ses pieds s'étaient plus enfoncé que l'autre dans le sol. C'est à se demander comment elle peut encore tenir debout, depuis le temps qu'elle existe. Quand on la voit aujourd'hui, se fondant dans la verdure et brisée de partout, on a peine à croire qu'autrefois, c'était une charmante petite maison qui respirait encore la nouveauté et la santé. Maintenant, tout est incroyablement vieilli, comme son principal habitant. Au travers des fenêtres masquées et opaques, il observe tous ceux qui s'en approche. Même s'il est invisible, on sent sa présence à l’affût, son regard mauvais qui ne présage rien de bon si on fait un pas de plus. C'est l'Ermite, celui qui garde jalousement la forêt et fait tout pour éloigner ceux qui veulent s'y promener. Un vieil homme grincheux que les habitants ont plutôt tendance à éviter le clair de leur temps.

Un peuple n'est rien sans ses croyances et ses lieux de culte. Tamashi no Higan a ses propres adeptes de la religion, et quelle religion étrange que la leur ! Étant monogames, leur dieu est celui qui aurait créé ce monde et s'amuserait à y ajouter sans cesse plus de mystère pour perdre ses habitants. Il serait également à l'origine de l'arrivée d'étrangers au village, comme s'il s'amusait de voir les réactions des uns et des autres face à un tel phénomène. Du moins, c'est ce que tous les croyants affirment ! Alors, en bordure de la forêt, plus près de la colline que du village et à quelques dizaines de pas de la bicoque, vous pourrez trouver l'endroit où ils font leurs prières. Le temple est particulièrement imposant, avec son architecture de type asiatique, et intimidant, de par toute sa sobriété extérieure. Mais quand on entre à l'intérieur, la première impression retombe. Car tout y est incroyablement décoré, parsemé de dorures et de marbre, avec des statues petites ou grandes à l'effigie d'Attouteki, leur divinité sournoise. Tout au fond de la pièce, juste devant une large tapisserie représentant les exploits du démiurge, il y a un petit autel recouvert de bougies et d'offrandes qui lui est consacré. C'est juste devant que les fidèles s'agenouillent pour l'implorer ou le remercier. Mais le Temple possède bien d'autres pièces, toutes inaccessibles aux visiteurs. Seule la prêtresse, cette étrange personne qui adule beaucoup trop le dieu dont elle tient le sanctuaire, peut y mettre le pied. Après tout, c'est l'endroit où elle vit et passe le clair de son temps ; elle en est la gardienne. Cependant, si l'on en croit les rumeurs qui courent sur cette femme, mieux vaut ne jamais critiquer Attouteki, que ce soit devant elle ou non. Du moins, si on ne veut pas finir en sacrifice pour apaiser la colère du tout puissant.

Nul ne peut échapper à la mort qui le frappera un jour, même ici, à l’Équinoxe des Âmes. Alors ce monde étrange est bel et bien muni de son propre cimetière, situé en contre-bas du village, tout près de la forêt. Cerclé par un petit muret vieilli et élimé par le vent, le lieu est à l'état d'abandon, complètement envahi par les broussailles et herbes hautes. La végétation a repris son œuvre depuis bien longtemps, recouvrant jusqu'aux plus récentes pierres tombales. Il faut dire que rares sont ceux qui viennent encore y rendre hommage à l'un de leurs proches, trop occupés par leur petite vie mouvementée au village. D'un autre côté, l'endroit est plus que lugubre et a tôt fait d'éloigner les plus peureux. Du brouillard s'y trouve toujours, comme si l'air frais était maintenu au-dessus des croix bancales et des tombes enchevêtrées les unes sur les autres. Parfois, les noms inscrits sur les stèles sont complètement illisibles, soit intégralement recouverts par la mousse et le lierre, soit effacés par le temps. Mais tout ceci n'est rien sans son gérant aux airs inquiétants et peu fréquentable. Sa maison, ou plutôt son petit manoir de deux étages implanté au fin fond du cimetière, tel le berger gardant ses moutons, rivalise avec le logis de la Duchesse tant il est menaçant et sombre. On peut dire que par sa simple présence dans un lieu aussi glauque, cet homme à la fois médecin et croc-mort entretient les rumeurs qui courent sur lui. Son nom ? Nathan Von Hallen. Retenez-le, cela pourrait vous être très utile ! Surtout si vous vous retrouvez face à lui au beau milieu des pierres tombales...

A l'instant même où vous mettez un pas sous le couvert des bois, tout le reste s'efface. Il n'y a plus de bruit, plus aucun. Pas même ceux qui proviennent de l'extérieur de la forêt. Pas le moindre écho de toute l'agitation du village. Aucun son provenant de la bouche d'un de vos camarades pourtant présent à quelques pas de la forêt. C'est comme si vous étiez coupé de tout. Comme si vous aviez déjà bien avancé au milieu des taillis. A votre avis, pourquoi s'appelle-t-elle la forêt du silence ? Ce n'est pas uniquement parce qu'aucun animal n'y vit et que la forêt n'est donc pas animée par tous les petits gazouillis de la faune. Même si cela y participe, son nom lui vient surtout du fait qu'aucun bruit n'existe en son sein, strictement aucun... A l'exception des bruissements que provoquent ceux qui marchent sous toutes ses branches. Mais là n'est pas la seule particularité de la forêt, et la deuxième reste bien plus inquiétante. Car dès lors que vous y êtes entré, en sortir n'est pas chose facile. Tout se ressemble parfaitement, là-bas, et les arbres prennent un malin plaisir à piéger leur nouvelle proie dans leur toile. Ils vous égarent, vous jouent des tours et s'amusent de votre panique. Ce n'est que par chance que vous pouvez vous en tirer vivant ! Et alors, vous ressortirez par l'endroit exact où vous êtes entré. Sauf si l'Ermite accepte d'intervenir en votre faveur...