Le Lac de Pétrole de Tamashi no Higan est avant tout un lieu où la pêche est importante. Fournisseur en poisson de la ville, celui qu'on surnomme le Pêcheur possède toute une partie de la berge où il a installé son stock et sa maison directement sur l'eau. Ainsi, tout près de la Plage où vont tous les baigneurs, des plus anodins aux plus étranges, se trouve un véritable attroupement de barques et bateaux en tout genre, allant des plus petits aux plus grands, certains prenant de la vitesse grâce à un moteur, d'autres ne se mouvant que par la simple action humaine appliquée sur des rames. Se perdant dans la masse, tous sont accrochés fermement à des poteaux en bois ou sur de multiples plates-formes flottantes, reliées les unes aux autres de multiples façons pour former un véritable labyrinthe. Pouvoir en emprunter un pour une petite croisière sur les eaux est cependant un véritable calvaire. Particulièrement difficile en affaires, le Pêcheur accepte rarement d'en céder un ne serait-ce que pour une journée. Peu nombreux sont ceux qui ont un jour réussi cet exploit pour voguer au grès de leurs envies. Alors si vous souhaitez tenter l'expérience, rendez-vous à la petite cabane, celle qui trôle au milieu de tous ces bateaux, sur l'avancée en chêne. Petite et toute faite de bois, la maisonnette se veut coquette, décorée d'algues et joliment sculptée. Visiblement, elle a été récemment reconstruite ou repeinte, car aucun défaut ne vient entacher son bel aspect. Une petite cabane accueillante hébergeant un individu qui ne l'est pas vraiment. Quel charmant paradoxe !

Ah, la plage. Petit coin de paradis quand le soleil est au zénith. Un sable doux et fin la recouvre de long en large, rendant un contact des plus agréables aux petits pieds nus qui la foulent et la martèlent. L'eau est doucement ballottée par la faible brise, donnant suite à des vagues et remous bien plus importants que ce à quoi on pourrait s'attendre ; en particulier aux moments de forte affluence, étrangement. De nombreuses algues aux couleurs vives et flamboyantes viennent sans cesse s'y échouer, comme si elles avaient été sauvagement arrachées de leurs supports pour être ensuite balancées sur le sable et séchées par les rayons agressifs du soleil. Même si le pêcheur vient régulièrement en ramasser pour en faire des bouquets -bien que ce ne soient pas des fleurs-, leur nombre ne semble pas diminuer pour autant. Comme si chacune avait une place bien précise sur la plage, une place réservée qui, si l'algue morte venait à en être retirée, devrait aussitôt être comblée par une autre. Si le rivage est la cible de la foule à tout instant de la journée, en raison des températures relativement douces qui bercent le monde sans jamais vraiment changer, c'est néanmoins l'après-midi que les habitants s'y regroupent en plus grand nombre. Il y a alors beaucoup d'animation ; des rires et cris fusent de partout ; l'eau est sans cesse percée et projetée par tous les baigneurs. Mais nul ne s'éloigne jamais vraiment du bord, car ils savent tous ce qui les attend si jamais ils s'avancent trop loin dans les eaux sombres. Le monstre n'est jamais bien loin et il pourrait les attirer au fin fond des abîmes pour les noyer -et, qui sait, les dévorer- s'ils arrivent à sa portée.

L'eau du lac est noire comme le pétrole lorsqu'on s'éloigne trop de la berge. Tout le monde le sait ; tout le monde a déjà eu l'occasion de le constater. Et tous sont bien conscients que la zone est dangereuse. Qui sait ce qui pourrait surgir d'une telle profondeur ? Car nul n'ignore que la raison d'une telle noirceur n'est autre que l'immense gouffre qui se trouve juste au-dessous. Un gigantesque abîme qui peut cacher bien des choses, comme par exemple ce monstre dont on entend souvent parler. Rares sont ceux qui acceptent avec plaisir de s'éloigner dans cette direction, augmentant la distance entre eux et la berge et avançant tout droit vers la zone où tout semble s'effacer. Car, stagnant sur les eaux du lac, à une certaine distance de la plage, le brouillard domine, blancheur immaculée qui gomme les pourtours de tout ce qui s'y engouffre. Tout est flou, vague, indistinct dans cet immense nuage. Et ce royaume du blanc brouille tous les appareils de navigation pour faire perdre tous les repères, pour vous forcer à faire machine arrière. Le brouillard immense qui flotte sur le loch est une autre limite de Tamashi no Higan : il n'y a rien au-delà, rien que vous puissiez voir...